Normaliser l’usage de la signature électronique en Afrique

La pandémie de Covid-19 a accéléré le processus de dématérialisation des échanges et des transactions : pendant cette période, les outils de visioconférence ont connu un essor considérable, de même que la signature électronique, qui s’est largement démocratisée. La signature électronique, mécanisme numérique de signature, est un outil fondamental, non seulement pour la rapidité des transactions, mais aussi d’un point de vue environnemental : elle permet de gagner un temps considérable, puisque les signataires signent par écrans interposés, sans avoir besoin ni d’imprimer, ni d’être présents physiquement, ni d’envoyer les documents à signer par courrier.
Alors, où en est le développement de cet incontournable outil en Afrique ?
La situation n’est évidemment pas uniforme dans tous les pays, mais on peut quand même tirer un constat général : l’utilisation de la signature électronique reste encore trop marginale. Alors, quelles préconisations pour qu’elle soit plus couramment utilisée ?
Un cadre législatif et réglementaire favorable
De nombreux pays d’Afrique autorisent le recours à la signature électronique et reconnaissent pleinement sa validité. Dans la plupart d’entre eux, la signature électronique ne pose pas de difficulté de mise en œuvre. Le cas est autre dans certains autres pays, où la loi confie au pouvoir réglementaire l’agrément préalable des opérateurs de signature électronique ou la certification des procédés de signature électronique avant mise en service sur le marché. S’il est souhaitable de contrôler les modalités de mise en œuvre de la signature électronique, notamment pour protéger les consommateurs, le rôle de filtre que jouent ces autorités peut représenter un frein au déploiement des opérateurs de signature électronique sur ces marchés, notamment en raison de la complexité des procédures. On peut par exemple citer le cas de la Côte d’Ivoire, dont l’Autorité de Régulation des Télécommunications en Côte d’Ivoire (ARTCI), délivre des certificats de conformité des dispositifs de création de signature électronique sécurisée, et qui à ce jour n’a publié qu’un décret en 2016, agréant trois opérateurs. On peut enfin relever que dans quelques rares pays, la signature électronique n’est pas encore autorisée : c’est notamment le cas en République Démocratique du Congo.
Une communication efficace
Le fait que la signature électronique ne soit pas encore pleinement ancrée dans les habitudes résulte principalement de sa méconnaissance. Ni les professionnels, ni le grand public ne la connaissent suffisamment pour l’utiliser avec aisance. Un travail de communication est donc nécessaire pour la faire connaître et rassurer sur sa légalité. Ce travail pédagogique doit revêtir une acuité particulière auprès des administrations publiques, qui sont souvent aguerries à une bureaucratie implacable, et qui se révèlent particulièrement frileuses dans la reconnaissance des procédés de signature électronique. Pourtant, la virtualisation des échanges avec les administrations peut être un facteur d’accélération primordial pour l’ensemble des acteurs.
A contrario, nombreuses sont les entreprises qui, soumises au rythme des affaires, utilisent la signature électronique en interne, mais n’arrivent pas à étendre cette utilisation aux interactions avec les autres professionnels, les administrations ou les clients.
Relever les défis techniques
Les leaders mondiaux de signature électronique ne proposent pas systématiquement leurs services sur les marchés africains. Cela est dû à différents facteurs : l’absence de demande suffisante, des contraintes fiscales ou de paiement, ou la difficulté de pénétration des marchés africains en raison de contraintes réglementaires.
Cela laisse la possibilité à des opérateurs locaux de se développer, en relevant le défi technique que représente la signature électronique : elle doit en effet, si l’on reprend les termes de la législation sénégalaise, consister « en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache ». La signature électronique implique donc, pour être utilisée à grande échelle, la mise en place d’un procédé automatisé d’identification des signataires et de certification des signatures. Pour la majorité des opérateurs des marchés occidentaux, ce procédé repose sur l’adresse électronique du signataire. Cependant en Afrique, en ce qui concerne le grand public, nombreux sont ceux qui n’ont pas d’adresse électronique ou qui ne l’utilisent jamais. Il est tout à fait possible de s’adapter à cette particularité quand on sait que les Africains sont habitués à effectuer des transactions monétaires via leur téléphone mobile. On pourrait par exemple imaginer un procédé d’identification via un numéro de téléphone, en tenant bien sûr compte de la volatilité d’une telle donnée, ou un procédé automatique d’identification avec une pièce d’identité, dans le respect de la législation en vigueur relative à la protection des données personnelles.
On doit encore insister sur le fait que le procédé doit être automatisé, c’est-à-dire ne pas nécessiter d’intervention humaine pour chaque transaction. On a en effet pu observer des opérateurs qui proposaient une certification manuelle des signatures, ce qui peut être perçu comme contre-productif par rapport à l’objectif de fluidité et de rapidité.
S’adapter au marché « africain »
Les opérateurs de signature électronique, aussi bien que les acteurs économiques qui offrent des biens ou des services doivent s’adapter à la réalité du marché local. Une signature obtenue sur la base de termes contractuels complexes rédigés dans une langue que le client ne maîtrise pas se heurtera nécessairement à des risques d’invalidation sur le fondement d’un consentement non éclairé. Il sera donc nécessaire de prévoir une traduction des principaux termes contractuels. Cela peut passer par l’intervention de l’entreprise qui offre le bien ou le service, qui peut dépêcher un commercial, ou encore mieux, mettre en place un dispositif audio, inclus dans l’application, qui exposerait les principaux termes contractuels.
Une chose est sûre, les prestataires doivent s’adapter au contexte local et se coordonner avec les experts juridiques pour s’assurer de la validité des dispositifs de signature électronique.